LA GACILLY, À L’OUEST COMME À L’EST, DU NOUVEAU

Eclairer le monde grâce aux regards des photographes, voir là où nous n’irons jamais, déplacer la pensée vers des endroits inconnus, rendre compte de cultures ignorées, susciter les discussions, le Festival Photo La Gacilly, par la bouche de son directeur artistique Cyril Drouhet  à la conviction inébranlable, ne craint pas d’affirmer sa veine militante et son soutien à une photo éthique et humaniste.  La dimension politique et démocratique est au cœur même du projet et la programmation est une incitation à débattre des grands enjeux environnementaux et sociétaux.  Cet été encore, le festival transforme la petite ville bretonne en musée de plein air et présente une programmation de photos grand format de photographes du monde de l’art, du photojournalisme, de lauréats précédents, d’amateurs et de tirages anciens. Pour cette 16ème édition, c’est au total 26 expositions que le public peut découvrir en déambulant dans les espaces publics, les jardins, les ruelles et les friches industrielles à ciel ouvert.

« A l’est du nouveau », l’affiche conçue cette année par Michel Bouvet l’annonce en Une. Il y a trente ans tombait le mur de Berlin. Le festival fête cet anniversaire en proposant une sélection de travaux photographiques venant des pays de l’est. Du nouveau et même de l’inédit, avec les éclatantes photos couleur de Sergey Prokudin Gorsky, datant d’avant 1915, encore jamais montrées. Inventeur de la diapositive, ce chimiste de profession a parcouru l’immense empire tsariste pour immortaliser les peuples d’une terre plurielle et en est revenu avec des clichés d’une frontalité sidérante, restaurés par la Bibliothèque du Congrès à Washington.

Le génie visuel révolutionnaire et constructivisme d’Alexander Rodchenko est  mis à l’honneur dans des tirages prêtés par le Multimedia Art Museum de Moscou.

C’est aussi l’occasion de voir une sélection rare de la mythique série Invasion-Prague 68 de Josef Koudelka, faite au moment de l’entrée des chars soviétiques dans la ville, dans une scénographie à hauteur des murs. Russie, Ukraine, Estonie, Pologne, etc… les regards de photographes contemporains dressent un panorama  de cet « est » entre déliquescence, résistance et mélancolie.

En parallèle, la partie « Renaissance » du festival s’intéresse davantage à l’urgence climatique et l’empreinte environnementale durable. Là, la fonte des neiges en Arctique, ici les océans, (que le public est amené à découvrir à travers les courses aquatiques de l’apnéiste Guillaume Néry photographié par Franck Séguin), ailleurs le tourisme climatique et ses effets.

Les frontières, de celles estompées et qui pourraient bien ressurgir, sont aussi un sujet en ces temps de durcissement des notions de l’hospitalité. Mais même si le présent est maltraité et que le monde ne va pas si bien, au Festival Photo La Gacilly, il y a comme un refus de la fatalité et l’envie tenace de mettre en lumière la beauté fragile de notre monde. Pour la partager du regard et faire vivre ce fol espoir « Lorsqu’un homme seul rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité. »*

 

* Friedensreich Hundertwasser (1928-2000)

 

Par Marie Gayet


Infos :

Festival photo La Gacilly (Morbihan)

Point-info : Place de la Ferronnerie

du 1er juin au 30 septembre