du 16 au 25 novembre
Pour cette nouvelle édition, la fusion d’OVNi festival et de la foire Camera Camera place la vidéo à Nice en orbite et conforte la démarche d’Odile Redolfi directrice du Windsor, même si le positionnement de la foire n’est pas encore optimal entre déambulations en chambres et marquage commercial. Il est certain que la vidéo reste toujours un exercice périlleux à vendre et à montrer.
– OVNI en ville sous la houlette de Pauline Payen entre friches commerciales (le 109 et la Station), résidences et ateliers d’artistes, appartements privés (Lola Gassin et le drôlatique dialogue entre Marcel Bataillard & Benoît Grimalt), monuments patrimoniaux (superbe Chapelle de la Providence et Palais Lascaris) et musées (MAMAC Nice, MEP, Paris) rallie art contemporain et sites emblématiques, création actuelle et architecture remarquable via formats courts ou longs, écritures filmiques ou chorégraphies performatives.
– OVNi à l’hôtel avec l’entrée de nouveaux partenaires élargit la caisse de résonnance avec des invités internationaux tel que le Total museum de Séoul, la plateforme Karma de Berlin, SAM Art Projects Paris, le 3 Bis F d’Aix en Provence, Ping Pong à Toulouse..
– Camera Camera avec 22 galeries françaises et internationales offrait un panel large de propositions, certaines plus en dialogue avec l’esprit de départ de la chambre d’artiste choisie, le Windsor ayant cette particularité. Le Jury dirigé par Caroline Bourgeois a remis le Prix Camera Camera, d’une dotation de 10 000 € à la galerie Eva Hober pour Pauline Bastard et le Prix de la meilleure chambre, doté de 2000€ pour Moving Art (Nice) avec un group show autour du féminin.
Coups de cœur et immanquables :
– Joao Onofre (Cristina Guerra Contemporary Art (Lisbonne) OVNi, le 109 (Forum d’urbanisme et d’architecture)
Dans le quartier lisboète de Campo de Ourique, l’architecte a imaginé une maison double en 2 habitations pour le même client, associant rationalisme allemand et modernisme brésilien. A partir de ce puzzle de béton armé entre cour et jardins, l’artiste imagine une nouvelle fiction opérant un contre champs de l’extérieur vers l’intérieur à partir du ballet improbable d’un bateau qui, suspendu à un hélicoptère, survole les toits environnants pour venir se poser sur la piscine.(programmation associée)
– Emilie Brout & Maxime Marion, 22.48 galerie (Paris, Fr)
Première participation à Camera Camera pour Rosario Caltabiano qui a choisi le duo Emilie Brout & Maxime Marion. Avec « A Truly Shard Love », ils mettent en scène leur quotidien en regard des pratiques qu’ils observent sur internet, selon leur principe créatif. A partir d’un montage de séquences vendues sur la plateforme d’images Shutterstock, ils chorégraphient leur couple dans une mise à distance qui interroge la frontière ténue sur les réseaux sociaux entre sphère intime et sphère publique. Avec « Sextape », présentée dans la salle de bain derrière un drap pudique qui rappelle Hitchcock, il s’agit d’une vidéo à caractère pornographique mais faite maison, jetant le trouble sur la manipulation de l’image au moment où de nombreuses « fake vidéos » apparaissent comme avec le « Revenge Pon » chez les stars et le grand public, ce qui a suscité de nombreux débats.
– Sébastien Arrighi, Sintitulo galerie (Mougins, Fr.)
A partir de l’imaginaire mythique du Grand Ouest et de la figure du Cow Boy, il transpose ces ingrédients dans le jeu vidéo GTA à la redoutable violence, dans un hyper réalisme sublimé d’une touche néo-romantique à partir du grésillement des images et des sons, dans un profond silence où les humains ont disparu. A la précision clinique de l’horreur répond une imagerie nocturne onirique. L’on retrouve le sillage de Stephen Shore.
– Sylvain Couzinet-Jacques et Ugo Schiavi, Double V galerie (Marseille, Fr)
« Corps de béton ou corps animés, ceux-ci apparaissent comme les traits d’une époque, étendards d’une histoire qu’ils ne maîtrisent pas, car encore trop proches d’eux. Se nouant sous leurs yeux (..) »
Saluons ce dialogue subtil autour des sculptures d’Ugo Schiavi et de la vidéo Sub-rosa (lien Vimeo) de Sylvain Couzinet-Jacques, Ugo ayant participé au projet Eden sur l’invitation de Sylvain et tous deux à l’exposition Dogwood à la Cité des Arts de Paris, leurs affinités se sont précisées. A partir du slow motion, les corps juvéniles de la vidéo déroulent leur séquence érotisée, entre chien et loup, à cette heure de tous les possibles, tandis que les fragments académiques des sculptures en suspension d’Ugo rejouent le tempo d’une autre communauté dormante et figée.
– Pauline Brun, Eva Vautier (Nice, Fr)
Repérée au Salon de Montrouge 2017, elle a depuis montré ses performances dans de nombreux lieux tels que le Centre Pompidou ou le MacVal, et travaillé pour plusieurs chorégraphes, repoussant les limites du dispositif vidéo dans des micro-fictions burlesques où le corps est comme empêché.
Pour Camera Camera, elle imagine pour la chambre de Lawrence Weiner, un personnage doté d’une tenue de laboratoire séchant un tapis volant ! Sa chevelure suspendue au plafond est la seule trace de son passage. Vidéo réalisée lors de sa résidence à la Station au printemps 2018. Une proposition qui aurait mérité le Prix de la meilleure chambre à mon sens.
– Ziggy and the Starfish (Karma Extended, Berlin)
La plateforme curatoriale Karma Ltd.Extended explore les liens entre la transformation numérique et nos conditions de vie. L’artiste présentée, Anne Duk Hee Jordan (née en 1978, Corée) se penche sur les phénomènes de transition et écosystèmes comme ici avec les créatures sous-marines. Plongeuse, elle a observé la sexualité des animaux marins pendant de longues heures, relevant les détails imperceptibles au premier regard. Comme un ballet chorégraphique qu’elle amplifie à l’aide d’une musique planante. Face à la menace du réchauffement climatique qu’en sera t-il de cette vie aquatique ?
Hypnotique et engagé.
– Hugo Deverchère, 3 Bis F Aix-en-Provence
En continuité de l’exposition présentée au centre d’art aixois, le film vidéo « Cosmorama » réalisé en 2017 au Fresnoy a été tourné à Tenerife, près d’un observatoire, dans un désert de lave. L’imagerie en infrarouge, procédé qui permet aux astronomes d’observer des exoplanètes, et le cyanotype, technique elle aussi inventée par un astronome, joue des ambivalences art et sciences dans une traversée sensorielle proche de la désorientation. Des bruits imperceptibles jouent sur cet inframince puissant de l’image.
– Violaine Lochu, galerie Dohyanglee (Paris)
Lauréate du prix Aware 2018 et du prix de la performance 2017 du Salon Jeune Création, l’artiste, d’abord musicienne, croise le potentiel de la voix et de la performance à partir de ses rencontres. Questionnant l’empathie et la projection, son corps devient oiseau et réceptacle d’une mémoire orale et plurielle. Une mémoire subjective à laquelle elle associe des questions sur le genre et un nouveau rapport entre humain et non humain.
– Sarah Mehoyas, PACT Paris
La vidéo « Clouds of Petals » a été réalisée sur le complexe moderniste des anciens Bell Labs, à partir de la performance de 16 travailleurs. Ils ont photographié 100 000 pétales de rose qui leur semblaient les plus beaux, ensuite enregistrées au sein d’un cloud utilisé pour concevoir un algorithme génératif (deep learning) créant à l’infini de nouveaux pétales. Une projection qui interroge l’obsolescence programmée à l’ère de l’intelligence artificielle.
Marie de La Fresnaye